Collectif 20 ans barakat Ile de France

EDITORIAL DU QUOTIDIEN d’ORAN du 12 juillet 2004

Vingt ans après son adoption, le code de la famille est appelé à être révisé. Le président de la République avait annoncé son intention de rendre aux femmes algériennes la «dignité» que leur confère la Constitution, mais que leur a subtilisé ce code en juin 1984. Le contexte tant national qu 'international se prête à cette volonté de bousculer les conservatismès et les traditions pour aller vers une égalité citoyenne entre les hommes et les femmes. Le principal constat, c'est une révision et non une abrogation qui touchera certains axes prioritaires et non à la globalité de la loi. Elle concernera des dispositions anticonstitutionnelles, mais en aucune manière celles, tout autant anticonstitutionnelles, relevant néanmoins du droit religieux, donc de la Chariâa. Les amendements proposés par la commission Zeghloul en sont un reflet évident. Entre conservatisme et modernité, les cinquante-deux éminents experts nommés par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, parmi des juristes, des parlementaires, des universitaires, des sociologues et des membres du Haut Conseil islamique, ont préféré couper la poire en deux. La preuve la plus significative reste le rapport préliminaire de la commission nationale chargée de la révision du code de la famille, et les propos de son président, Mohamed Zeghloul Boutarène, premier président de la Cour suprême de son état.

Il fallait aux réformateurs, en premier, arriver à un compromis et à un consensus au sein même de la commission pour que leurs travaux puissent à leur tour être «acceptés» par la majorité, non pas de la population, mais celle des députés à qui seront soumis les futurs amendements. Les tiraillements de la société algérienne oscillant entre des élans d'ouverture et des relents de conservatisme, les autorités publiques sont d'une certaine manière obligées d'y aller en douceur, graduellement, sans trop bousculer leurs alliés tout autant que leurs adversaires, mais avec une volonté affichée d'en découdre avec une loi archaïque et rétrograde pour la femme et pour la famille.

Dans ce contexte, la femme, prônent-ils, ne doit plus dépendre d'un tuteur pour se marier. Exit, donc, le tutorat matrimonial. Fait important, la commission demande l'abolition du statut de mineur pour la femme. Il ne relève en rien, selon son président, de laChariâa mais plutôt des traditions algériennes. A l'avenir, les enfants seront soumis à l'autorité partagée des deux parents. L'épouse aura autant de droits que de devoirs envers ses enfants que l'époux, puisqu 'elle aura un statut de co-tuteur avec le père. La commission consacre, également, la séparation des biens entre les époux. En cas de divorce, la mère, qui récupère selon le droit religieux la garde des enfants, ne sera plus jetée à la rue. Le domicile conjugal reviendra aux enfants, le père étant obligé de leur fournir le cas échéant un logement. La mère bénéficiera de fait du domicile conjugal et d'une pension alimentaire revalorisée.

 

Le droit de garde n 'a pas pour autant été abordé par la commission. En effet, si l'autorité parentale est partagée pendant le mariage, le père a cependant très peu de chance de bénéficier de la garde des enfants. Selon le droit religieux, celle-ci revient en premier lieu à la mère, puis aux ascendants maternels, grand-mère et tantes, aux ascendants paternels, pour enfin atterrir entre les mains du père. Autre impasse de la commission, la polygamie, la répudiation, le droit de la femme à divorcer et à un héritage équitable au sens du droit positif et non de la Chariâa.

La réponse de Mohamed Zeghloul Boutarène est on ne peut plus claire à ce sujet. «Il n 'est et ne sera jamais question de toucher aux dispositions du code inspirées directement de la Chariâa». Cette orientation en filigrane des travaux de la commission vient masquer la volonté des pouvoirs publics à en finir avec le code de la famille. Elle éloigne, surtout, un peu plus la société algérienne d'une véritable égalité entre les sexes, que les Tunisiens ont acquis par la volonté politique ferme de Bourguiba et que les Marocains ont pu avoir grâce au référant idéologique et religieux représenté pour eux en la personne du roi Mohammed VI, malgré l'exacerbation des islamistes marocains. Les non-dits et les dispositions verrouillées, parce qu 'elles sont d'essence religieuse, pèsent autant, si ce n 'est plus sur l'entreprise de modernisation de l'Algérie.

Il serait injuste et de mauvaise foi, cependant, de ne pas reconnaître des avancées considérables et spectaculaires dans les propositions que soumettront les membres de la commission à Abdelaziz Boutejlika et Tayeb Belaïz. Il ne servirait à rien, non plus, de nier qu'elles restent en deçà des attentes d'une part importante de la population algérienne.

L'on ne peut que regretter le peu d'empressement de la commission à se pencher réellement sur toutes les dispositions. Celle-ci doit poursuivre ses travaux sur d'autres articles de la loi. Il est trop tôt pour se prononcer, annonce-t-on de part et d'autre. Il est de même trop tôt pour présager d'un avenir terni il y a vingt ans déjà.

 

 

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