Collectif 20 ans barakat Ile de France

 

LE MONDE DIPLOMATIQUE ,mars 2004 , Page 4

 

Statu quo pour les femmes

Par Lyes Si Zoubir, Journaliste, Alger

Mme Zohra M., 42 ans, laborantine, est célibataire, comme 20 % des Algériennes qui vivent en milieu citadin (elles devraient être 30 % en 2010). Elle vit seule dans un immeuble du centre d’Alger, où des mains anonymes inscrivent régulièrement des insanités sur sa boîte aux lettres ou sa porte. « Le raisonnement de ces imbéciles est simple, soupire-t-elle. Si je suis seule, c’est donc que je suis une femme de petite vertu. Dieu merci, j’ai un frère qui vient me voir régulièrement. Ceux qui seraient tentés de m’agresser savent qu’il y a un homme dans ma famille. »  Mme Zohra M. se sent pourtant obligée d’être discrète et n’imagine même pas inviter chez elle des amis et encore moins un éventuel prétendant. « Ce serait me condamner », affirme-t-elle, le visage fermé, en rappelant que les agressions de femmes célibataires se sont multipliées depuis quelques années sans que les autorités publiques s’en émeuvent. Bien au contraire. Les auteurs de l’attaque sauvage contre des femmes célibataires, en juillet 2001, à Hassi Messaoud, n’ont ainsi pratiquement pas été poursuivis. de manière régulière, villes et villages d’Algérie connaissent ce genre d’expédition, menée le plus souvent par des religieux au nom des bonnes mœurs, contre des femmes ayant le seul tort de vivre seules.  « L’augmentation du nombre de femmes célibataires est une réalité profonde, qui oblige le pouvoir à réagir rapidement si l’on ne veut pas que la société reporte sa violence sur elles », avertit une magistrate, qui estime urgent de mettre totalement à plat le code de la famille. Ce texte juridique tristement célèbre – qui autorise notamment la polygamie et fait des Algériennes des êtres sous tutelle masculine jusqu’à la fin de leur vie – va bientôt fêter ses vingt ans : il fut adopté le 9 juin 1984 par les députés du Front de libération nationale (FLN), alors parti unique.

Cet anniversaire mobilise les associations féminines algériennes, qui, sous le mot d’ordre de « 20 ans, barakat ! » (20 ans, ça suffit), exigent l’abrogation pure et simple de ce code. « La défaite du terrorisme n’a rien changé, la situation des femmes est toujours la même, s’insurge

Nadia, journaliste. Ce pouvoir s’est servi de nous pour trouver des soutiens à l’étranger, mais maintenant il ne veut rien risquer qui puisse réveiller les islamistes ! »  Conscients de l’importance du vote islamiste, désireux de se concilier le soutien des partis religieux « présentables », dont le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas), les candidats à l’élection présidentielle préfèrent rester vagues sur les droits de la femme. Aucun d’entre eux n’a encore osé évoquer l’abrogation, voire l’amendement du code de la famille. Le président Bouteflika avait laissé entendre, au printemps 2003, qu’il modifierait ce texte par le biais d’ordonnances, mais, depuis, il reste discret : il faut dire que, sur cette question,  l’Algérie fait désormais figure de mauvais élève au Maghreb, depuis que le roi Mohammed VI a décidé de réformer la Moudawana, le code de la famille marocain.

      Lyes Si Zoubir.

 

 

 

 

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